Dans notre imaginaire collectif, l’accouchement est l’ultime épreuve. Une fois le bébé né, tout irait mieux : le bonheur, l’émotion, le retour à la maison, le cocon.
Ce récit laisse peu de place à une réalité pourtant universelle : celle des douleurs post-accouchement. Les lochies, la perte sanguine, les douleurs périnéales ou encore la montée de lait font partie des réalités corporelles vécues dès les premiers jours suivant la naissance de votre bébé. Ces maux, liés au travail de l’accouchement et aux bouleversements hormonaux, nécessitent des soins côté périnée, mais aussi une attention globale portée à la santé mentale et physique de la maman.
Dans l’épisode 1 du podcast Prélude, Capucine évoque cette réalité avec une lucidité bouleversante. À travers son témoignage, une question surgit naturellement : pourquoi, alors que des millions de femmes accouchent chaque année, continue-t-on à minimiser la douleur physique du post-partum ?
> Écoutez le podcast : EP1 CAPUCINE, LA SOLITUDE DES DÉBUTS
Les douleurs physiques post-accouchement : un quotidien méconnu
« Je vais bientôt pouvoir m’asseoir sans réfléchir. » Cette phrase, dite presque en riant, résume à elle seule l’inconfort et la souffrance qui peuvent suivre un accouchement, même sans complication. Capucine n’a pas subi d’accouchement par césarienne, mais après un accouchement par voie basse, elle met plusieurs jours à remarcher correctement. Pendant trois semaines, chaque mouvement est difficile, chaque geste est un effort. Et pourtant, autour d’elle, l’idée dominante reste : “Tu es rentrée chez toi, tout va bien maintenant.” Cette minimisation de la douleur, combinée au stress et à l’anxiété de cette période de suite de couches, empêche souvent les jeunes mères de demander de l’aide, de parler de leurs ressentis, ou de bénéficier d’un suivi médical adapté.
Le soutien d’un professionnel de la santé, la mise en place d’un suivi à 6 à 8 semaines avec un médecin ou une sage femme, devraient être systématisés pour repérer chaque symptôme préoccupant et prendre soin du plancher pelvien. Ces rendez-vous sont cruciaux dans une approche post accouchement globale.
Ce décalage entre ce que le corps vit et ce que la société attend est flagrant. Il témoigne d’un manque de reconnaissance profond des douleurs physiques qui accompagnent la naissance de votre bébé. Le périnée est souvent le grand oublié, alors qu’il joue un rôle clé dans la récupération. Les premières semaines peuvent être marquées par une intensité douloureuse, des maux persistants, voire une fuite urine qui complexifie la reprise d’une vie normale. Il est essentiel de rappeler que toute douleur, saignement excessif, ou gêne vaginale doit être abordée lors d’un entretien postnatal.
Il faut voir, consulter, ne pas hésiter à parler de chaque exemple vécu, car ces signes corporels sont des points de vigilance importants. Un guide clair, avec des conseils de santé adaptés, pourrait aider à mieux gérer ce moment. Ce type de message clé devrait faire partie intégrante des programmes de prévention en maternité dès le début du cours de la grossesse.
Douleurs post-partum : entre normalisation et isolement
Il est admis — et parfois même glorifié — que la maternité est douloureuse. Alors, on n’en parle pas. Ou à peine. Parce que c’est “normal”. Parce que d’autres ont vécu pire. Parce qu’il faudrait être heureuse. Et surtout, parce que l’on craint d’être perçue comme ingrate ou faible. Mais cette “normalisation” de la douleur a un coût : elle empêche les femmes de demander de l’aide. Elle les pousse à se taire, à serrer les dents, à reprendre trop vite. Le baby blues, l’irritabilité, la tristesse ou même la dépression du post partum peuvent s’installer sans qu’on les reconnaisse comme des signaux d’alerte.
La postpartum depression est une réalité qui doit être abordée dans toute prise en charge post natale. Capucine raconte comment, dès qu’elle s’est sentie un peu mieux, elle a tenté de “reprendre sa vie” : faire des lessives, du yoga, ranger son appartement. Mais son corps, encore meurtri, ne suivait pas. Elle s’épuisait, sans s’en rendre compte, comme beaucoup de jeunes mères confrontées au mythe de la reprise rapide. Ce rythme, souvent imposé, fait fi de la perte de poids incontrôlée, des déséquilibres hormonaux, de l’alimentation chaotique ou encore de l’absence de repos.
Ces bouleversements, parfois liés à l’allaitement, à la douleur des mamelons, ou à l’énergie manquante, méritent un accompagnement sur mesure. Une séance de rééducation périnéale, un entretien avec une sage femme ou un professionnel de la santé permet d’apporter des réponses précoces, dès les premiers jours. Des soins de santé simples comme une douche à l’eau chaude peuvent aussi apaiser, si le bébé dort par exemple, et offrir un instant pour soi.
Préparer l’après : ce que les cours de naissance oublient souvent
On prépare les femmes à accoucher, mais pas à vivre les suites. On leur parle de contractions, de souffle, de valise de maternité, de péridurale… mais très rarement de ce qui les attend ensuite. Peu de choses sur les saignements, les douleurs périnéales, la chute hormonale ou les troubles digestifs et urinaires fréquents , la culpabilité après un accouchement.
Le corps devient secondaire, alors même qu’il continue de subir un bouleversement immense. Aucun mot sur l’importance de l’hygiène intime post-accouchement, sur les complications éventuelles ou sur la reprise d’une activité sexuelle et une activité physique en toute sécurité. Les femmes sont trop souvent livrées à elles-mêmes pour gérer des symptômes physiques ou psychiques, parfois liés à des problèmes plus profonds de santé mentale.
Ce vide d’information , lors de la période du post partum , rend les femmes vulnérables, et accroît le risque de complication ou de violence familiale, lorsque le manque de soutien familial se fait sentir. Le corps, l’utérus, le périnée, les seins… tout mérite soins, attention, aide. Un lieu, un site, un point de ressources fiable devrait exister dans chaque parcours de grossesse. L’expulsion du placenta, la production de lait, ou la mise en place de l’allaitement maternel sont des étapes majeures à prendre en compte dès la maternité. Des conseils clairs sur comment produire du lait ou identifier la taille normale de l’utérus pourraient éviter de nombreuses inquiétudes. Cette information devrait être renforcée par la santé publique, avec l’appui de l’assurance maladie.
Capucine met en lumière ce vide. Elle se retrouve seule, dans un corps qu’elle ne comprend plus, sans boussole ni explication. Et parce qu’on ne l’a pas prévenue, elle culpabilise. D’avoir mal. De ne pas “profiter”. De ne pas être “comme il faut”. Ce manque de cadre rend difficile le soin de soi, la prise en charge des douleurs, l’organisation du soin de votre bébé, ou même l’accès à une simple consultation médicale pour parler de ce qu’on vit.
Un accompagnement global, incluant des séances de rééducation périnéale, des conseils sur l’allaitement, le retour de couches, ou l’écoute des besoins liés à l’alimentation, serait une avancée majeure. Cela permettrait à chaque maman de retrouver un équilibre, de mieux comprendre ce qui est normal ou non, et d’anticiper les changements liés à la parentalité. Une prise en charge plus douce, des entretiens réguliers, la prévention, les cours de préparation axés sur le postpartum… autant de clés pour faciliter ce temps sensible. Et si le bébé dort, que reste-t-il de ces instants pour soi ? Peut-être une douche à l’eau chaude, un moment de calme, quelque chose de simple, mais essentiel pour reprendre une activité à son rythme.
Santé maternelle : prendre soin du corps après l’accouchement
Reconnaître les douleurs post-partum, ce n’est pas nier la joie d’avoir un enfant. Ce n’est pas ternir la naissance. C’est simplement donner la permission aux femmes d’exister dans leur complexité. D’avoir mal. De ralentir. De guérir. Et surtout, d’être entendues. Cela commence par une meilleure information sur le retour de couches, la surveillance des lochies, la prévention de toute complication, et la reconnaissance des émotions ambivalentes.
Le témoignage de Capucine rappelle à quel point il est essentiel de redonner sa juste place au corps dans le discours sur la maternité. Parce qu’un corps qui vient d’accoucher n’est pas prêt à “reprendre une vie normale” en quelques jours. Parce qu’un corps qui saigne, qui brûle, qui tire, mérite des soins, du repos, de la bienveillance. L’attention portée au soin de soi, au soutien, à l’écoute, doit devenir un pilier de santé publique.
Offrir aux jeunes mères un espace de parole, avec des professionnels de santé formés, devrait être une évidence dans chaque parcours de naissance. Car oui, parler peut sauver. Parler, c’est reconnaître qu’il se passe quelque chose. Et c’est déjà commencer à prendre soin.
Dans un monde idéal, chaque femme pourrait suivre un guide clair, bénéficier de séances adaptées, d’exemples concrets, et d’une présentation bienveillante de ce qu’est réellement le post-partum. De la maison au lieu de consultation, du site officiel à la ligne téléphonique, tout devrait être pensé pour accompagner ce nouveau chapitre maternel.
Même lorsqu’il y a des pleurs, de la fatigue, ou que les cheveux tombent : tout cela est lié, tout cela est normal. Et tout cela mérite une vraie prise en charge post accouchement, que ce soit après un accouchement vaginal ou un accouchement par césarienne. La mental health doit être au cœur des soins de santé apportés à chaque maman et à chaque nouveau bébé.
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