On parle souvent de l’accouchement comme d’une épreuve physique intense. Pourtant, ce moment-là n’est que le début.
Une fois la naissance de votre bébé passée, une autre phase commence, bien plus longue, plus silencieuse aussi : celle de la récupération post partum.
Dans les premiers jours suivant l'accouchement, les soins côté périnée, les maux physiques, le retour à la maison et la gestion du quotidien deviennent des préoccupations centrales. Le post accouchement est une période complexe, qu’il s’agisse d’un accouchement par voie basse ou d’un accouchement par césarienne.
Dans le premier épisode du podcast Prélude, Capucine livre un témoignage poignant sur cette période du post partum un peu floue, trop peu anticipée, où le corps souffre encore mais où la société attend déjà qu’on se relève. Son récit vient bousculer la définition idéalisée du “retour à la maison” et pose une question essentielle : pourquoi minimise-t-on autant ce que vivent les femmes une fois l’accouchement passé ?
> Écoutez le podcast : EP1 CAPUCINE, LA SOLITUDE DES DÉBUTS
Corps post-partum : douleurs physiques et premiers jours de récupération
“Je vais bientôt pouvoir m’asseoir sans réfléchir.” Cette phrase, lâchée presque avec humour par Capucine, traduit pourtant une réalité physique brutale. Elle raconte avoir mis deux jours avant de pouvoir marcher normalement, et encore trois semaines plus tard, son corps restait marqué par l’accouchement.
Les douleurs, les saignements, les maux liés à la suture ou à l’utérus, la fatigue extrême : tout était encore là, bien présent, mais invisible. Elle décrit un corps qu’elle ne reconnaît plus, qu’elle ne maîtrise plus, et cette sensation d’être en rémission permanente.
Une réalité que peu de suivis médicaux viennent accompagner au quotidien, alors que la surveillance de certains symptômes ou complication pourrait être déterminante. L’attention portée aux muscles, au périnée, aux mamelons ou au sein dans les premières semaines permettrait pourtant de limiter les risques. Ce type de prise en charge devrait être intégré dès la prévention en maternité, au cours de la grossesse, afin d’anticiper les besoins en soins de santé post natal.
Ce qui frappe dans son témoignage, c’est l’absence d’alerte en amont. Rien ne l’avait préparée à ça. Elle pensait, comme beaucoup, que les difficultés physiques seraient passagères. Et pourtant, à peine remise, elle se surprend à faire des lessives, du rangement, du yoga. Le corps dit stop, mais l’esprit veut déjà reprendre la main. Comme si elle n’avait pas le droit de s’arrêter. Comme si se reposer encore, trois semaines après avoir donné la vie, c’était trop demander. Le repos devrait pourtant être au centre du soin de soi, de la parentalité, du soutien familial, notamment lors des suites de couches.
Les changements corporels peuvent être d’une intensité douloureuse et provoquer un état psychologique fragile, un ressenti nouveau, une forme de bouleversement. Ce moment demande un véritable accompagnement, un guide pour mieux prendre soin de soi et de son enfant.
Dès la mise en place de l’allaitement maternel, il est important d’écouter les signes du corps : la production de lait, l’énergie disponible, la taille normale de l’utérus après l’expulsion du placenta, ou encore la reprise des cycles hormonaux. Si le bébé dort, cela peut permettre à la mère de prendre un moment pour se reposer, se doucher à l’eau chaude, ou tout simplement respirer.
La pression invisible du post-partum : entre attentes et réalité
Capucine évoque aussi cette injonction discrète à “faire bonne figure”. Les visites, même rares en plein confinement, sont vécues comme un poids supplémentaire. Il faut être présentable, il faut accueillir, sourire, dire que ça va. Elle réalise qu’elle n’est réellement à l’aise qu’avec son mari, ses parents, ses sœurs. Des personnes à qui elle peut dire : “Je suis désolée, je dois dormir.” Mais combien de jeunes mères osent s’accorder ce droit ? Combien s’efforcent de cacher leur douleur, leur stress, leur anxiété pour ne pas déranger, pour coller à cette image douce et lumineuse de la maternité ?
Le soutien d’un professionnel de santé peut alors s’avérer essentiel pour aider à parler de ce que l’on vit et identifier tout symptôme, tristesse ou irritabilité. Le suivi médical devrait inclure un entretien précoce autour de la santé mentale, de l’allaitement, de la sexualité, et du rôle de chacun au sein du couple. Il est essentiel de consulter dès que l’on ressent un problème ou une maladie potentielle liée au post-partum.
Par exemple, une douleur vaginale persistante, une fièvre puerpérale ou une production de lait anormale ne doit jamais être considérée comme normale. La santé publique devrait renforcer la diffusion de message clé à ce sujet. Chaque professionnel de la santé a un rôle crucial dans la prévention et la détection de symptômes liés à une éventuelle postpartum dépression.
Ce qui ressort de son expérience, c’est aussi la solitude. Celle que provoque le silence autour de cette période, celle qui naît du décalage entre les attentes et la réalité. Tout le monde parle du “cocon” des premiers jours, de la magie du lien mère-enfant, mais Capucine, elle, parle d’un huis clos, presque carcéral. “J’avais l’impression d’être à Guantanamo”, dit-elle, en riant jaune. Ce n’est pas l’amour de son bébé qui est en cause. C’est la pression constante, l’épuisement, les lochies persistantes, la perte sanguine, et ce corps qui ne suit plus.
Dans cette période de vulnérabilité, la rééducation périnéale, le suivi médical et la consultation médicale devraient être systématiquement encouragés, notamment pour rétablir l’activité physique en douceur et protéger le plancher pelvien. Un entretien au bout de 6 à 8 semaines devrait être la norme, incluant des questions sur l’état psychologique, la sexualité, l’énergie, la prévention, les douleurs vaginales, les points de suture ou encore l’entretien du périnée. Cela permettrait aussi de vérifier que la mise en place de l’allaitement maternel se déroule bien, et que la mère peut produire du lait sans douleur excessive ni engorgement.
En cas de besoin, l’assurance maladie peut orienter vers des solutions de soutien à domicile ou des services spécialisés post natal.
Culpabilité maternelle : mieux comprendre les émotions du post-partum
À tout cela s’ajoute une couche plus sourde encore : la culpabilité. Celle de ne pas réussir à “profiter”, de ne pas se sentir assez forte, assez résistante, assez mère. “Tout le monde me disait : profite de ce cocon avec ta fille. Mais moi, j'avais l'impression d'être dans une prison.” Ce décalage entre l’expérience vécue et le discours ambiant isole encore plus. Il empêche les femmes de dire que ça ne va pas, qu’elles souffrent, qu’elles sont au bout. Et parfois, ce silence masque un baby blues ou une dépression du post partum.
Dans certains cas, ces troubles de la santé mentale doivent être détectés pour éviter des conséquences graves comme la violence familiale ou une rupture de lien avec l’enfant. Parler devient alors un acte de survie.
Chaque maman devrait être informée des signes, des symptômes, de l’impact du bouleversement hormonal, et savoir qu’il est normal de ressentir un changement, même corporel, émotionnel, ou lié à l’allaitement.
Chaque nouveau bébé implique un nouvel apprentissage, une nouvelle intensité, un nouveau rythme. Il n’y a pas de norme, chaque parcours est unique et mérite quelque chose de plus qu’un simple suivi de routine.
Capucine ne cherche pas à se plaindre. Elle raconte avec sincérité, avec recul, mais aussi avec cette lucidité qui manque cruellement dans les discours sur le post-partum. Ce qu’elle met en lumière, c’est un manque d’espace, un manque d’écoute. Et surtout, une absence de préparation. Car on prépare les femmes à l’accouchement, on leur parle de contractions, de péridurale, de valise de maternité. Mais que sait-on vraiment de ce qui suit ? De ce mois où on ne dort pas, où on pleure sans raison, où on ne peut même pas s’asseoir correctement ? Trop peu de choses.
Les sujets comme la montée de lait, l’hygiène, la reprise de l’activité sexuelle, la perte de poids, les douleurs vaginales ou la nutrition dans l’alimentation sont évoqués en surface, alors qu’ils mériteraient une véritable éducation postnatale entre 6 à 8 semaines après l’accouchement, lors d’un rendez-vous avec un médecin ou une sage femme. Ce suivi doit aborder les mamelons, l’utérus, l’allaitement, les cheveux qui tombent, les douleurs liées à la césarienne ou à l’accouchement vaginal, sans tabou.
L’accompagnement du post accouchement, que ce soit après un accouchement par césarienne ou un accouchement vaginal, est essentiel pour que la mère puisse reprendre une activité sereinement et reconstruire sa santé globale.
Changer le regard sur le post-partum : écouter les corps, libérer la parole
Ce témoignage n’a rien d’exceptionnel. Il est justement d’une grande banalité. Et c’est ce qui le rend si précieux. Parce qu’il est représentatif de ce que vivent beaucoup de femmes, dans le silence.
Redonner sa place à ce récit, c’est redonner une légitimité aux douleurs, aux doutes, à la lenteur du corps qui se remet. C’est aussi rappeler que prendre soin de soi, bénéficier de soutien, recevoir une aide pour le soin de votre bébé, ne devraient pas être un luxe. Le post-partum n’est pas une parenthèse.
C’est un bouleversement profond, long, parfois violent, qu’il faut pouvoir vivre sans pression ni tabou. Ce que personne ne vous dit sur les douleurs post-accouchement, Capucine le dit ici. Et ça fait un bien fou.
Ce récit pourrait figurer sur n’importe quel site qui souhaite accompagner les parents : il aide à voir, comprendre, ressentir, poser des questions, identifier un ressenti nouveau, normaliser les pleurs et la fatigue.
Chaque séance, chaque exemple, chaque guide ou présentation diffusée par un professionnel peut changer l’expérience postnatale vécue à domicile, à l’hôpital, ou dans un lieu de consultation. Il est essentiel de ne pas hésiter à consulter, poser des questions, faire entendre ce que l’on vit dans son corps, son couple, sa parentalité.
Et pendant que le bébé dort, il faut aussi se rappeler que la santé mentale de la mère compte tout autant que celle du nouveau-né. La mental health est une composante centrale du bien-être maternel.
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