Comprendre la Transparence Psychique
Devenir mère bouleverse tout : le corps, les repères, l’émotion, les liens. Pour certaines femmes, ce bouleversement fait remonter à la surface des douleurs profondément enfouies. C’est ce que la psychologie périnatale appelle la transparence psychique. Un phénomène intense, souvent déclenché lors de la grossesse ou dans les premiers mois post-partum, qui vient réactiver les pertes passées, les fragilités, les émotions non résolues. C’est exactement ce qu’a traversé Pauline, dont le papa est décédé deux ans avant la naissance de sa fille. Ce type de phénomène n'est pas rare : il existe chez de nombreuses femmes confrontées à un deuil passé ou à la disparition d’un être cher. Il peut aussi s’inscrire dans une histoire familiale marquée par une maladie comme un cancer ou une mort brutale.
Quand Le Deuil Refait Surface à la Naissance
Elle raconte : « Pendant la première année, j’ai essayé de gérer, de me concentrer sur mon bébé, de mettre le chagrin de côté. Mais dès que j’ai eu du temps seule, tout a ressurgi. J’ai réalisé que je n’avais jamais vraiment fait le travail de deuil. »
Le deuil est un processus. Il passe par des étapes du deuil bien connues : le choc, le déni, la colère, la tristesse, l’acceptation. Mais ces étapes peuvent être bloquées pendant des années, et se réactiver brutalement à l’arrivée d’un enfant. Le fait d’être face à la perte d’un parent en devenant soi-même parent ravive la réalité de la perte. La mère est projetée dans un nouvel état de vie, tout en portant encore les traces d’un état de mort non intégré. On affronte alors non seulement la souffrance de l’absence, mais aussi celle du passé, de l’enfance parfois silencieuse. À ce moment-là, il est fréquent de ressentir un sentiment de vide, une douleur physique, et une immense fatigue émotionnelle.
Pauline dit souvent : « J’ai perdu mon papa, mais je crois que je l’avais enfoui. Quand ma fille est née, j’ai réalisé que je voulais qu’il la connaisse. C’est là que j’ai compris que je n’avais jamais accepté son absence. » Ce sentiment est fréquent chez les personnes devenues parents alors qu’un parent est décédé. Le lien entre générations se transforme : on ressent un vide, on veut perpétuer la mémoire, on se demande comment transmettre ce que l’on a reçu. On pense à ce que le défunt aimait, à ce qu’il aurait dit. Cela peut raviver des souvenirs très précis, ou faire naître de nouveaux regrets.
Une Décompensation Émotionnelle Soudaine
Cette prise de conscience s’est accompagnée d’un effondrement. Une véritable décompensation émotionnelle. Le soutien de ses proches, le dialogue avec son mari, et surtout un accompagnement par une psychologue ont été indispensables. C’est en consultant qu’elle a commencé à traverser pleinement les émotions : la tristesse, la colère, la nostalgie, mais aussi les souvenirs et le besoin de réconfort. Chaque mot prononcé lors des séances l’a aidée à exprimer ce qu’elle ne pouvait pas dire avant. Chaque personne confrontée au deuil réagit de façon différente.
Pauline se souvient de son père comme d’un homme grand, qui aimait les voyages et les choses simples. Elle parle de leur relation comme unique. Elle évoque aussi la mémoire de son frère et de sa sœur, tous trois confrontés à cette disparition avec des réactions différentes. Ce deuil a mis en lumière leur propre vulnérabilité, et un besoin de reconstruire un équilibre familial. Chacun tente, à sa manière, de trouver un refuge pour faire face à l’abandon, à l’absence, à la peine. Les adultes qui accompagnent une mère dans ce processus jouent un rôle central : ils offrent une écoute, un cadre, une forme de présence continue.
Le processus de deuil implique de traverser la réalité de la perte. Cela demande du temps, du soutien, et parfois des outils thérapeutiques adaptés. Dans cette situation, l’état de santé mentale peut être mis à mal, et il est essentiel de ne pas rester seule. Rejoindre un groupe endeuillé, partager, écouter, bénéficier de conseils sont autant de façons de se faire soutenir. Certaines associations spécialisées proposent un accompagnement adapté à chaque phase du deuil, en tenant compte de l’âge, de la situation personnelle et du lien avec le défunt. Il existe aujourd’hui de nombreuses ressources, articles, professionnels, et espaces d’échange qui permettent de mieux vivre ce type de changement.
Entre Joie De Maternité et Chagrin
Devenir maman après le décès de mon père, dit Pauline, a été une expérience ambivalente. Elle explique qu’il a fallu apprendre à vivre après, à intégrer le chagrin dans la joie de la maternité. Dans certains cas, les formalités essentielles liées au deuil peuvent aussi ajouter une charge mentale : organiser les obsèques, effectuer la déclaration de succession, prévenir l'employeur, comprendre l'aide sociale si l’on devient enfant orphelin. Ce sont autant d’étapes à franchir dans ce cheminement, parfois longues et complexes à gérer. On est confronté à un quotidien bouleversé, dans lequel chaque détail peut raviver la peine. L’abandon ressenti peut être profond, surtout si le défunt est un parent très cher. L’amour que l’on porte à son propre enfant entre alors en résonance avec le manque du parent disparu.
Avancer Pas à Pas
Pour surmonter ce type d’épreuve, le plus important est d’accepter ce que l’on ressent. Le deuil est un processus, pas une faiblesse. Il n’est jamais trop tard pour faire le travail de deuil, pour être accompagnée, pour parler, pour exprimer ses émotions. Et ainsi, pour retrouver un équilibre, petit à petit. Chaque femme a son rythme, son histoire, ses besoins propres. Certaines trouveront du réconfort dans une activité artistique ou corporelle. D’autres auront besoin d’un refuge plus intime, d’un lieu pour exprimer ce qui a disparu. On peut aussi être accompagné par un professionnel dans ce voyage intérieur qui vise la guérison.
Comme le dit Elisabeth Kübler-Ross, grande figure de la compréhension du deuil, chaque perte nécessite d’être accompagnée avec humanité. La mémoire de ceux qui nous ont quittés ne s’éteint jamais : elle nous façonne, nous guide, nous aide à rendre un dernier hommage. Et ce sont souvent les liens invisibles, les petites choses du quotidien, qui permettent la guérison, même dans la peine. Cette expérience nous transforme, en tant que personne, en tant que couple, en tant que parent. Elle nous rapproche de soi, et parfois des autres adultes confrontés aux mêmes blessures. Elle rappelle à chacun combien il est important d’essayer, même maladroitement, de ressentir pleinement ce qui nous traverse, pour mieux le dépasser.